samedi 13 mars 2010

VitaminesArts 13 - 11/06

Pierre LEFEBVRE







Il existe des lieux dont la propriété essentielle n’est pas, à priori, d’être agréables à regarder, mais bien d’être utilisés de manière purement pratique. Les routes, les parkings, les aéroports, les supermarchés ont été conçus de manière fonctionnelle et sont sensés n’être que des endroits de passage. Je trouve que, si on prend le temps de les regarder, beaucoup d’endroits inesthétiques de prime abord peuvent révéler un intérêt graphique indéniable. Il y a aussi tous ces lieux que nous ne remarquons plus vraiment, tout simplement parce qu’ils font partie du quotidien de l’œil, l’habitude ayant tendance à nous rendre distraitement aveugles.

Ces endroits ont aussi ceci de particulier qu’ils sont fugitifs et transitoires. On ne s’y arrête pas, on ne fait qu’y passer. C’est justement  ceux-là que j’ai envie de montrer, à une époque où les médias s’évertuent à nous gaver d’exceptionnel, de sensationnel, de luxe, de célébrité. Où chaque morceau de panorama ou de paysage est mangé par un panneau géant vous donnant envie (contre de l’argent) d’un tas d’autres choses que ce qui vous est donné à voir….

Mon travail est aussi un travail figuratif de réflexion sur l’espace et sur ma (notre) position par rapport à lui ainsi qu’au lieu qu’il occupe. J’essaye d’appréhender l’espace, de comprendre sa grandeur et son fonctionnement. J’aime opposer une grande spatialité à la frontalité du plan, ou encore intégrer « l’image dans l’image » (les panneaux publicitaires) afin de rester entre un réalisme photographique et une réalité de peinture. Certainement inspiré par les techniques de cinéma et de photographie, je ne veux pas pour autant faire de la peinture photographique. La peinture a cet avantage sur la photographie qu’elle permet une plus grande liberté d’interprétation du sujet. Je tire donc parti de la photographie et de l’enseignement que sa pratique m’apporte, mais je tiens à garder une démarche de peintre.

Les matières, les lacunes, permettent de rappeler qu’il ne s’agit pas de la réalité, ni même d’un poster ou d’une photo qui chercherait à créer une illusion, mais bien d’une peinture, fruit d’une interprétation et d’une création.  Je ne fais finalement qu’observer ce que je vois, ce que je vis, et j’essaye de le donner à voir….

Pierre Lefébvre