samedi 13 mars 2010

VitaminesArts 12 - 05/06

Tristan ROBIN



C’est un paysage étrange, et pourtant familier. Des maisons individuelles, ordinaires et presque toutes semblables. Des maisons comme nous en voyons tous les jours, et qui méritent à peine un regard : des gens vivent là, c’est tout. Pourtant, Tristan Robin, lui, s’y arrête. Avec une obstination qui confine à l’obsession, il fait jusqu’à l’écœurement le portrait de ces maisons, composant une sorte de catalogue à l’envers. À l’envers, car ces maisons ne sont pas faites pour séduire. Les couleurs sont froides, les lignes sont brouillées, les ouvertures sont aveugles. Tristan Robin installe entre nous et ces maisons une sorte de brouillard bleu sale, comme si elles se tenaient dans un aquarium mal entretenu. Dans d’autres peintures, les maisons sont ramenées au rang de codes-barres, façon de les donner pour ce qu’elles sont : des séries de chiffres, des produits à consommer rapidement, et finalement des additions dans le chiffre d’affaires des promoteurs.
Volontairement retenue et pauvre, la peinture de Tristan Robin évoque la beauté comme en creux. La balade proposée par l’artiste ressemble plutôt à une traque, et confronté à cette abondance de biens immobiliers, on ne peut que s’interroger : que nous disent ces maisons ? Quel est le paysage que nous voulons ?
Et l’homme, dans tous cela, disparu, rayé de la carte pour avoir confondu accession à la propriété et accession à la personnalité.
Si l’habitat propose une image de la société, on peut se demander quelle est cette humanité-là.


Jean Poussin – mars 2006